L’homme et l’animal
Fables de Phèdre, fabuliste du Ier siècle ap. J.-C.
LUPUS ET AGNUS
Ad rivum eumdem Lupus et Agnus venerant,
Siti compulsi, superior stabat Lupus,
Longeque inferior Agnus. Tunc fauce improba
Latro incitatus, jurgii causam intulit.
Cur, inquit, turbulentam fecisti mihi
Aquam bibenti ? Laniger contra timens :
Qui [1] possum, quæso, facere, quod quereris, Lupe ?
A te decurrit ad meos haustus liquor.
Repulsus ille veritatis viribus,
Ante hos sex menses male, ait, dixisti mihi.
Respondit Agnus : Equidem natus non eram.
Pater hercule tuus, inquit, male dixit mihi.
Atque ita correptum lacerat injusta nece.
Hæc propter illos scripta est homines fabula,
Qui fictis causis innocentes opprimunt.
[1] Qui : ici, comment ?
Vocabulaire
Isdem, eadem, idem : le/la même
Rivus, i, m : rivière
Sitis, is, f : soif
Compulsus, a, sum : poussé, attiré
Sto, as, are, steti : se tenir
Longe : loin (sert à renforcer un comparatif : bien plus)
Fauces, ium, fpl : gosier (ici, au sg)
Latro, onis, m : voleur, brigand (=lupus, i, m)
Improbus, a, um : mauvais, méchant
Incitatus, a, um : incité, poussé
Jurgium, ii, n : querelle, dispute
Infero, fers, ferre, tuli : mettre en avant, chercher
Cur ? pourquoi ?
Bibo, is, ere : boire
Turbulentus, a, um : troublé
Laniger, era, erum : porteur de laine (=agnus, i, m)
Timeo, es, ere : craindre, avoir peur
Qui : ici, comment ?
Quaeso, is, ere : demander (en incise : « je vous prie »)
Quereor, eris, i : se plaindre de
Liquor, oris, m = aqua, ae, f
a/ab… ad : de… à
haustus, us, m : action de boire, gorgée
decurro, is, ere : descendre
repulsus, a, um : repoussé
vis, vis, f : force
veritas, atis, f : vérité
male dicere : parler en mal, médire
mensis, is, m : mois
ante : avant, auparavant
sex : six
equidem : quant à moi
lacero, as, are : lacérer, déchirer
ita : ainsi
corripio, is, ere, repti : saisir, s’emparer
nex, necis, f : meurtre
propter (+acc.) : à cause de
Traduction
Un Loup et un Agneau, poussés par la soif, étaient venus au même ruisseau. Le Loup se tenait dans le haut du courant, l’Agneau se trouvait bien plus bas ; mais, excité par son gosier vorace, le brigand lui chercha querelle. « Pourquoi, lui dit-il, viens-tu troubler mon eau ? » L’Agneau répondit tout, tremblant : « Comment, je vous prie, puis-je faire ce dont vous vous plaignez ? cette eau descend de vous à moi. » Battu par la force de la vérité, le Loup reprit : « Tu médis de moi, il y a six mois. — Mais je n’étais pas né, » répliqua l’Agneau. « Par Hercule ! ce fut donc ton père, ajouta le Loup. Et, dans sa rage, il le saisit et le met en pièces injustement.
Cette fable est pour ceux qui, sous de faux prétextes, oppriment les innocents.